Suyuti
De la célébration de l’anniversaire du Prophète
Traduit de l’arabe par H. Redouane
Dans cet avis juridique dont l'objectif est de légaliser la pratique du mawlid (naissance du Prophète Muammad - sur lui la grâce et la paix), l'imam al-Suyui procède comme tout juriste classique en étudiant dans quelle catégorie d'innovation il convient de placer la dite pratique. Passant en revue les différentes catégories d'innovation existant au sein de la tradition musulmane ainsi que les avis des différents juristes qui se sont penchés sur la question, il en arrive à la conclusion logique que la célébration de la naissance du Prophète est une innovation louable.
Abdallâh Penot
Célébrer le Prophète n’est pas, comme l’affirment les wahhabites et les salafistes, la célébration d’un homme comme les autres. Ce qui serait en effet une forme d’idolâtrie. Mais c’est célébrer celui dont un hadîth dit qu’il était « prophète avant qu’Adam ne soit entre l’eau et l’argile ».
Célébrer le Prophète n’est donc pas célébrer un individu, aussi exceptionnel fût-il, mais célébrer le Principe dont cet individu fut la trace et le représentant à une époque donnée. Comme l’écrit Abdallâh Penot, « il est clair que cette référence à une prophétie antérieure à l’existence même d’Adam, c’est-à-dire, en clair, de l’humanité, est déjà l’annonce d’un Principe ou d’une “Réalité muhammadienne” dont la manifestation corporelle de notre seigneur Muhammad apparaît comme l’achèvement dans le temps, mais qui a débuté avant même que le temps n’ait commencé d’exister. Cette Réalité est déjà évoquée, dans des traditions antérieures, comme étant l’origine même de la prophétie ; le Christ lui-même n’affirme-t-il pas : “En vérité, en vérité, je vous le dis : avant qu’Abraham fut, je suis” (Saint Jean, 8, 58) ».
Célébrer le Prophète n’est donc pas célébrer un individu, aussi exceptionnel fût-il, mais célébrer le Principe dont cet individu fut la trace et l’agent à une époque donnée.
Suyuti construit son argumentation en se référant essentiellement aux versets du Coran parlant du Prophète et aux hadîths, ces propos qui ont été rapportés à son sujet. Quand il est question du Prophète, le lecteur ne devra pas oublier que ces textes ne sont pas à entendre seulement comme se rapportant à la réalité historique du Prophète Muhammad mais aussi et, pourrait-on dire, avant tout à sa Réalité principielle auquel le Livre saint tout entier renvoie.
Dès lors, quelle est la meilleure façon de réaliser cette célébration sinon en réalisant la vérité de l’enseignement selon lequel le Prophète est dit être « parmi nous » (fîkum) qui peut être entendu, littéralement, comme ayant été parmi les hommes une fois, selon l’interprétation classique, mais plus encore comme étant parmi nous au sens strict, c’est-à-dire non une fois parmi tant d’autres mais une fois pour toutes, c’est-à-dire comme étant « en nous » (fîkum) ? Et quelle meilleure célébration peut-on faire qu’en rendant, avec la grâce de Dieu, cette réalisation effective ? En prenant une conscience parfaite de ce que le Prophète (non en tant qu’individu mais en tant que Lumière et Réalité muhammadienne) est en nous en chaque instant et qu’il est de notre devoir de le célébrer de même non une fois par an mais chaque jour que Dieu veut, en chaque instant, en faisant s’effacer le voile de l’illusion.
En résumé, loin d’être une innovation blâmable comme le soutiennent les salafistes, Suyuti montre, sans entrer dans tous les déveloeppements spirituels que ceci implique, qu’historiquement la tradition musulmane atteste de la légitimité d’une célébration qui remonte aux premiers temps de l’islam.
Le lecteur pourra prolonger son exposé en méditant sur l’importance d’une telle célébration iavec tout ce que cela implique intérieurement, tout particulièrement dans une période chaotique et confuse où l’humanité devrait plus que jamais se recentrer sur ces valeurs essentielles auxquelles ce court texte renvoie.
De la célébration de l’anniversaire du Prophète est la traduction inédite par H. Redouane, du chapitre intitulé usn al-maq id fi ‘amal al-mawlid (« La bonne intention dans la célébration de la naissance du Prophète ») tiré de son ouvrage de sentences juridiques : Al-âwî li l-fatâwî.