Ananda Coomaraswamy
La sculpture bouddhiste
Les formes de l’art bouddhiste sont une invitation à se tourner vers un mystère qui échappe au langage parlé.
Coomaraswamy
La sculpture bouddhiste a été rendu célèbre par les destructions commises par les talibans voilà quelques années. Ce volume tend à montrer que, non seulement détruire les sculptures bouddhistes est une aberration d’un point de vue artistique et humain mais, en plus, qu’il s’agit d’une profanation en raison de leur valeur spirituelle.
Écrit près d’un siècle avant que ces sinistres événements n’aient lieu, ils sont une introduction véritable aux sources d’une des grandes traditions actuelles. Ce recueil est une réédition d’un important ouvrage de Coomaraswamy sur La sculpture de Bharhut augmentée d’un long texte introductif sur « la nature de l’art bouddhiste », inédit en français. Il s’agit une somme autant d’un point de vue de l’analyse que de l’iconographie. L’intérêt de ces études dépasse le cadre de la seule sculpture bouddhiste pour ouvrir sur la signification spirituelle de l’art sacré et la doctrine qui le sous-tend. Ils ont été publiés l’un dans une revue spécialisée dans la première moitié du XX° siècle et l’autre, La sculpture de Bharhut, sous forme d’un livre d’art faisant partie des Annales du Musée Guimet (Nouvelle série VI) publié en 1956 par les éditions Vanoest. Désormais inaccessible, y compris aux lecteurs anglosaxons qui n’ont jamais connu d’édition en anglais de cette étude, cette nouvelle édition, revue et augmentée, devra intéresser aussi bien le croyant bouddhiste que l’amateur d’art.
Cet ouvrage, à l’origine destiné aux historiens des religions, est accessible à tous et constitue une étude essentielle sur la signification de cette œuvre d’art traditionnelle. Il est enrichi d’une abondante iconographie composée de 253 photographies reproduisant l’intégralité des motifs de la sculpture de Bharhut ainsi que de quelques dessins à l’encre de Coomaraswamy lui-même. Plutôt que de rééditer le volume à l’identique, on a préféré opter pour une édition entièrement remaquettée.
Précédé de son étude sur la nature de l’art bouddhiste, cette réédition constitue en fait une véritable introduction à l’art religieux. Elle y rappelle les fondements de l’art sacré mais, de plus, y explique et analyse les motifs qui composent ladite sculpture de Bharhut, un chef-d’œuvre du bouddhisme. L’auteur y montre également les ramifications que ceux-ci entretiennent avec tout un ensemble d’autres œuvres de l’antiquité, notamment hindoues.
L’approche de Coomaraswamy n’est pas celle de la généralité des historiens d’art, ne serait-ce que parce qu’il croit à la vérité spirituelle des œuvres qu’il étudie, sans que, pour autant cela n’oblitère son approche scientifique (laquelle conforte sa foi bien plus qu’elle ne la contredit). Outre-Atlantique, où son Histoire de l’art indien et indonésien continue de faire autorité, il n’est pas un colloque de spécialistes indianisants qui ne soit alimenté par une discussion autour de son apport. Le lecteur qui prend la peine de lire ce volume, ne regardera plus les motifs de la sculpture bouddhiste de la même façon. Plus qu’un simple livre d’art, c’est à un ouvrage de science religieuse qu’on a affaire et à une synthèse d’une somme de données de première importance dans l’histoire des idées. Le tout constitue un recueil d’une extrême densité dont chaque page révélera de nouveaux prolongements à chaque lecture et dont chaque paragraphe est une invitation faite au lecteur d’approfondir son propos et d’éduquer son regard.