Christian Rossi
Né le 31 décembre 1954, Christian Rossi se passionne très tôt pour le dessin, sous son approche classique et réaliste (dessins sur modèle, étude de l’anatomie et de la perspective), avant de compléter sa formation en suivant les cours de l’école Estienne, à Paris, où il obtient un BTS d'expression visuelle en 1976. Il fait partie des derniers dessinateurs qui se seront formés auprès de Joseph Gillain (Jijé) qui fut le maître de grands créateurs tels que Franquin ou Giraud qui allaient ensuite eux-mêmes avoir l’influence que l’on sait. Il s’inscrit ainsi dans la lignée de la bande dessinée classique. Il effectue ses véritables débuts en 1979, après avoir tâté notamment de la publicité comme roughman (dessinateur de croquis préparatoires) et travaillé comme illustrateur. Durant cette période il met à profit ses différentes collaborations pour expérimenter différentes techniques qu’il développera ensuite dans ses histoires et séries.
Il publie ses premières planches dans magazines aussi différents que Djin, Plein Pot, puis, Pilote, Circus, Pif, Je Bouquine, Okapi ou Gomme, tout en menant en parallèle une activité de dessinateur de presse pour Le Nouvel Observateur, Le Point ou encore France-Soir où il illustre la rubrique faits-divers, le tout avec des incursions du côté de la télévision (notamment Antenne 2).
Sa première série remarquée est un western réalisé, en partie avec Philippe Bonifay, Le Chariot de Thespis qui raconte les aventures d’un chariot de comédiens sillonnant l’Ouest, qu’il alternera avec une série sur scénario de Serge Le Tendre, Les errances de Julius Antoine, un thriller de saveur hitchcockienne pour la nouvelle formule de L’Écho des savanes repris par Albin Michel. Cette collaboration l’installe parmi les nouveaux auteurs à suivre de la profession. Dans la foulée, il reprendra, cette fois pour les éditions Casterman, la série western Jim Cutlass, d’abord sur scénario de Jean-Michel Charlier, puis, après son décès, de Jean Giraud qui fut longtemps sa référence majeure et devint, au fil des albums, son ami. En alternance avec les premiers volumes de ce western, il dessinera, là, sur scénario de Pierre Makyo, Le cycle des deux horizons, un récit fantastique contemporain pour les éditions Delcourt.
Il retrouvera Serge Le Tendre pour plusieurs recueils semi-réalistes se déroulant dans l’antiquité, La Gloire d’Héra et Tirésias. Pour Albin Michel, il collaborera avec Enrique Abulí avec qui il créera une série humoristique sur les pirates et le personnage de La Guibole (un de ses préférés).
Sans cesser de travailler sur les récits qui lui tiennent à cœur, il supervise l’adaptation de La Compagnie des glaces, fresque d’anticipation écrite par G.-J. Arnaud et adaptée ici en bd par Philippe Bonifay.
En 2003, sa carrière prend un nouveau tournant avec W.E.S.T. chez Dargaud, une série western fantastique scénarisée par Fabien Nury et Xavier Dorison. C’est un succès et ils réaliseront six tomes sur une dizaine d’année. C’est au cours de cette période qu’il surprend tout le monde en dessinant, dans la collection Poisson Pilote, toujours chez Dargaud, deux recueils humoristico-ludiques scénarisés par Mathieu Sapin mettant en scène une héroïne pleine de fantaisie : Paulette Comète, d’une facture graphique en hommage à Will Eisner avec lequel il avait, par ailleurs, collaboré sur un projet de film que l’artiste américain avait autour de son personnage vedette, The Spirit.
En 2013, il revient à nouveau au western pour un one shot écrit par Laurent-Frédéric Bollée, Deadline, chez Glénat. Après quoi, en 2015, à nouveau chez Dargaud, Rossi dessine un tome de la série XIII Mystery consacré au personnage de Felicity Brown sur un scénario de Matz.
Il revient alors chez Casterman où il enchaîne plusieurs one shot : Le cœur des Amazones, en 2018, sur scénario de Géraldine Bindi, La balade du soldat Odawaa, en 2019, sur scénario de Cédric Apikian et bientôt un roman graphique en solo, Golden West.
En 2021, il fait le buzz avec une série d’histoires courtes érotico-humoristiques décapantes qui se moquent aussi bien des poncifs de l’univers colonialiste des bandes dessinées d’après-guerre que du rigorisme hypocrites et politiquement correct à travers les frasques d’une héroïne noire et sexuellement libérée, Niala, sur scénario de Jean-Christophe Deveney qui vaudront aux auteurs une pétition par des néo-talibans de la pensée réclamant son interdiction sur la base d’un communiqué de presse et sans avoir lu ni compris l’album.
Au cours de son parcours, Christian Rossi aura collaboré avec quelques-uns des grands noms de la bande dessinée de Giraud et Charlier à Mathieu Sapin en passant par des maîtres tels que Abulí ou des scénaristes de renom tels que Matz, Nury et Dorison avec lesquels il aborde plusieurs facettes du genre, allant du thriller à l’humour et à l’érotisme en passant par le western, son genre de prédilection, se renouvelant à chaque collaboration et réinventant son style selon les besoins de l’histoire. Il formera lui-même divers dessinateurs comme le fit Jijé à son tour, parmi lesquels on citera Matthieu Bonhomme et Emmanuel Lepage. Son immense variété de styles et de techniques, la richesse de son travail font qu’il est désormais considéré comme un maître par les nouveaux tenants de la bande dessinée réaliste dont il est un des représentants majeurs. Il manquait un recueil retraçant son parcours graphique et donnant à voir toute son inventivité, Chevauchées, vient combler cette lacune. Un second volet mériterait de venir le compléter, consacré, lui, exclusivement à son activité picturale et centré sur l’Ouest américain.