Stefano Carloni

Né en octobre 1988 dans le village de Filottrano, dans la province d’Ancône, dans une famille où personne n’aimait i fumetti (la bande dessinée en italien), il ne découvrira ceux-ciqu’assez tardivement mais ce sera un coup de foudre décisif.

Diplômé en 2010 de la Scuola Internazionale di Comics de Jesi, il publie cette même année son premier album en Italie. Dessinateur naturel, il allie à la fois la précision du dessin historique et la vivacité du style jeté. Il enrichit son travail des points forts des grands maîtres : la technique des noirs et blancs d’Alberto Breccia, le raffinement de Sergio Toppi ou encore le perfectionnisme d’Attilio Miccheluzzi. Son champ graphique s’élargira encore quand il découvrira les maîtres de la bande dessinée franco-belge (Giraud, Hermann ou Marini). Comme il le dit, ajoutant également, Lauffray, Boucq, Alice, Guarnido et quelques autres, « la liste est vraiment longue et elle le sera tant que je dessinerai car on ne cesse jamais d’apprendre ».

Il réalise enfin très vite la concrétisation de son rêve :travailler avec des éditeurs français. La chance est avec lui car, l’année où il publie son premier album, Dargaud est présent au plus ancien Salon international de la bande dessinée d’Europe, à Lucca. Il s’y était préparé et avait passé les six mois précédents isolé et enfermé dans son studio pour préparer un dossier à montrer à cette occasion. « Alors que mes parents étaient sur le point de lancer un avis de recherche me concernant, j’ai bouclé le dossier que je voulais présenter,composé de planches couleurs qui effectivement retinrent l’attention des éditions Dargaud, sans pour autant débuter une collaboration ». Quelques mois après il se rendra à Angoulême, il y rencontre les éditions Paquet et les éditionsSoleil. Paquet lui propose aussitôt un projet qu’ils estiment adapté à son style. Après la, une période d’attente bibliquebien connue des débutants, il commence la réalisation de Sinclair sur scénario de Laurent-Frédéric Bollée qui est unesérie automobile surfant sur la vogue de Michel Vaillant.

Alors qu’il travaillait sur cet album, il est contacté à la demande des éditions Soleil par Luca Bienghino qui préparait pour leur marque Quadrants un diptyque intitulé Les Savants. Il s’agit d’une bande dessinée se déroulant au moyen-âge,période qui le fascine énormément, en Italie dans les environs de Ferrara. On y voit le tandem Copernic et Paracelse enquêter sur un homicide. Pour le second, qui se déroulera, lui, dans une froide île suédoise, ce seront Galilée et Képler qui mineront l’enquête et s’aventureront parmi les neiges et les labyrinthes des châteaux. Le premier tome rencontre un bon accueil public et critique, il paraîtra dans plusieurs pays et se verra même gratifié d’une édition de luxe en grand format à tirage limité. Ce sera l’occasion pour Stefano de débuter également une collaboration avec la galerie d’art Daniel Maghen qui se poursuit toujours.

Il dessinera ensuite un tome de la collection « Ils ont fait l’histoire » chez Glénat et consacré à Georges Clémenceau qui le confirme en tant que dessinateur historique de talent. Son dernier titre en date dans ce registre est Léon le Grand: défier Attila dans la collection « Un Pape dans l'Histoire » également chez Glénat.

Entretemps il est devenu lui-même enseignant dans l’École où il a été diplômé et débute une collaboration avec les éditions Dargaud, fruit de leur rencontre six ans plus tôt au Salon de Lucca. Il dessine ainsi en 2017 le second volet du Nouveau Monde sur un scénario de François Armanet et Jean Helpert. Chacune de ses collaborations le nourrit et voit son style évoluer et s’améliorer.

En lui confiant le dessin, sur des textes de Jean-Charles Kraehn, de la série mythique Barbe-Rouge, de Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, dont il s’agit du premier nouvel album depuis près de quinze ans, les éditions Dargaud ne se sont pas trompées. Son travail y est impressionnant. Soutenu par son talent de dessinateur historique, son amour véritable du scénario de Kraehn transparaît à chaque planche. En plus de la renaissance d’une grande série, le lecteur y a le bonheur d’assister à la naissance d’un futur maître.

Né près de trente ans après la création de la série, il ne connut tout d’abord celle-ci qu’à travers le dessin animé qui fut diffusé en Italie en 1998 et ne découvrira la bande dessinée qu’en 2014 quand commencèrent à paraître en italien l’intégrale de la série. Il n’imagine cependant pas alors qu’il s’embarquerait un jour à son tour à bord du Faucon noir. Il livre ainsi une version plus moderne de ce classique et sait s’approprier les personnages dès les premières cases. En aucun moment on ne sent l’embarras qui se décèle souvent dans certaines reprises où le dessinateur peine à établir ses marques. Ici, tout est en place et, après quinze ans d’absence, on retrouve Barbe-Rouge et Éric comme si on les avait quittés la veille mais avec un petit quelque chose en plus, entièrement redevable au génie de Carloni et Kraehn. Non seulement ilsrespectent le cahier des charges établis par Charlier et Hubinon mais ils le dotent d’un nouvel élan nourri par undynamisme à la fois classique et moderne.

Stefano Carloni est également enseignant à l'Accademia di Comics Creatività ed Arti visive de Jesi, en Italie. Il vit sur la côte adriatique et peut être d’ores et déjà considéré comme un des futurs grands de la bande dessinée dans la lignée des Giraud, Boucq ou Hermann.