Stéphane Servain

Né le 14 mai 1970 à La Tronche, dans les Hautes-Alpes où il passe sa jeunesse, Stéphane Servais, connu sous son pseudonyme Servain, pour éviter d’être confondu avec l’auteur belge bien connu de Tendre Violette, compte parmi les grands dessinateurs de bandes dessinées français que le succès de son dernier album, Ulysse et Cyrano, co-scénarisé par Dorison et Cristau, a installé dans le club très fermé des nouveaux auteurs majeurs de la décennie, aux côtés de Bablet, Neyef ou Peeters.
Comme ce dernier, il est capable d’aborder avec talent des registres aussi divers que la science-fiction, le fantastique ou le policier, même si la reconnaissance publique s’est opérée à l’occasion d’un roman graphique d’apprentissage culinaire, donc très loin de là où on aurait pu l’attendre. Il a collaboré avec plusieurs des grands scénaristes actuels, de Le Tendre à Kid Toussaint en passant par Mangin, Gibelin et Brunschwig, sans oublier bien entendu Dorison et Cristau avec lesquels il forme un nouveau trio dont tout le monde attend désormais le prochain opus.
Il hésite entre la vie dans la nature et les grands espaces de la montagne et la bande dessinée. Âgé de quinze ans seulement, il réalise un album sur l’histoire de Briançon commandé par la Jeune Chambre Économique de la région. Finalement, il s’inscrit « sur un coup de tête » aux Beaux-Arts d’Angoulême, où il participe activement à l’atelier bande dessinée. En 1988, l’école de bande dessinée d’Angoulême est un important vivier de futurs jeunes auteurs et haut lieu de rencontres révélatrices. C’est l’occasion pour lui de participer à différents projets, comme un album narrant l’histoire de la Bête du Gévaudan en compagnie de Christophe Bec, Eric Hübsch ou encore David Prudhomme. Il intègre même pendant quelques mois l’équipe d’IDDH, une société locale de production de dessin animé. C’est dans ce contexte qu’intervient en 1991 sa première publication, un récit court dans le collectif Les Enfants du Nil dirigé par ses enseignants d’Angoulême et publié par les éditions Delcourt chez lesquelles il publiera aussi ses premiers albums.
En 1993 et 1994, tout d’abord, sa première série, Le Traque mémoire, un polar de science-fiction écrit par Christophe Gibelin. Après un bref passage dans le monde du dessin animé, et notamment lors de la préproduction du long métrage Kirikou et la Sorcière de Michel Ocelot, Laurent Duveau, alors directeur chez Delcourt, lui parle du scénario d’un thriller psychologique écrit par un jeune scénariste, Luc Brunschwig, et de là naîtra sa série suivante, L’Esprit de Warren qui va s’échelonner sur plusieurs années.
Entretemps, en 1994, après son service militaire, il aura fondé à Angoulême où il demeure désormais l’Atelier Entropie avec Thierry Robin, Pierre-Yves Gabrion et Bertrand Antigny.
En 2000, il participe à l’album L’Or des fous (coffret comprenant un album CD de Bernard Lavilliers couplé à un album) et démarre avec Serge Le Tendre une autre série futuriste L’Histoire de Siloë, qui sera la première série qu’il met lui-même en couleur et dont trois tomes paraîtront entre 2000 et 2019.
Après une pause de plusieurs années, il reviendra à la bande dessinée avec Le Livre de Skell, diptyque d’heroic fantasy écrit par Valérie Mangin en 2012 et 2013, avant d’entreprendre, aux éditions Casterman, Holly Ann, série policière écrite par Kid Toussaint située dans la Louisiane de la fin du XIXe siècle qu’il dessinera entre 2015-2017. Il enchaînera sur Ulysse et Cyrano qui ne verra cependant le jour qu’en 2024.
Ses références se trouvent aussi bien du côté de Philip K. Dick, Isaac Asimov ou Dan Simmons pour la littérature que de celui de Ridley Scott ou Steven Spielberg pour le cinéma, dont il est un grand amateur. En matière de bande dessinée, il admire aussi bien Raymond Poïvet, dont l’influence transparaît dans Skell, ou Alfonso Font, pour sa maîtrise du noir et blanc qui transparaît nettement dans ses différentes productions, mais aussi Cosey, Franz ou Hermann, pour leur force et leur efficacité narrative dont il est un indéniable et talentueux héritier.
Féru d’informatique, il modélise en trois dimensions certains des décors de ses premiers albums et se sert d’un rendu filaire comme base de perspective à son dessin. Cela lui permet de jouer avec les cadrages et les angles de vue.
Son travail allie maîtrise aussi bien des personnages que du décor, élégance du trait et précision du rendu, dépourvu de toute vulgarité. Enrichissant les codes du réalisme de touches semi-réalistes voire d’humour, sa narration s’avère d’une séduisante lisibilité qui en fait un auteur à la fois subtil et efficace, toujours soucieux d’invention et de clarté.